Aller au contenu

Les multis-passionnés sont-ils des chasseurs-cueilleurs de projets, évoluant dans un monde inadapté?

10 août 2020

Les multi-passionnés et les chasseurs-cueilleurs

Catégorie(s):

Multi-passionnés, devons-nous nous réconcilier avec le mode de vie nomade et saisonnier du chasseur-cueilleur? Ce rythme fait d’adaptation, de découvertes, d’incertitude, alimenté par des ressources naturelles (à portée de main). Pour pouvoir vivre une vie alignée avec ce que nous sommes?

La semaine passée, j’ai entendu deux récits comparant le multi-passionné ou slasheur au chasseur-cueilleur. Cela a piqué ma curiosité et j’ai eu envie d’approfondir un peu plus cette métaphore.

Justement, durant ce bel été où je travaille beaucoup à la maison , j’ai cette habitude de faire des pauses casse-croute dans le fond du jardin. Je cherche le coin le plus heureux du moment : fraises, cerises, fraises des bois, framboises, cassis, groseilles, mûres, prunes et bientôt poires, pommes, raisins…

Je prends souvent mon premier repas de la journée directement sur place et me sens littéralement cueilleuse.

Cela a déjà alimenté quelque peu mes réflexions.

À quel point le mode vie du chasseur-cueilleur colle-t-il réellement à ma vie de flexipreneure?

Histoire et tendances

1. L’origine du chasseur-cueilleur

C’est l’origine de l’humanité.

Nous ne pratiquions ni agriculture ni élevage pour assurer notre alimentation. Nous assurions notre survie en exploitant exclusivement des ressources naturelles spontanées : chasse, cueillette, pêche, ramassage de mollusques, collecte du miel des abeilles sauvages, etc. Un mode de vie qui s’éteint il y a une dizaine de millénaires avec l’apparition de la sédentarisation puis des civilisations agricoles et pastorales.

2. Du mouvement hippie à la Transition

Même si l’agriculture (sorte de cueillette programmée) devient la norme, la cueillette dans la nature sauvage reste cependant très utile pour compléter notre régime alimentaire. Puis, elle se transforme en activité de loisir, tout comme la chasse, avec l’augmentation du niveau de vie à l’ère industrielle.

Concernant la cueillette, elle symbolise un retour à la nature et à un mode de consommation plus naturel, collaboratif et d’entraide. D’abord avec le mouvement hippie dans les années soixante. Ensuite, il y a une dizaine d’années, avec la naissance des initiatives de Transition : les citoyens créent des vergers partagés et potagers urbains destinés à tous, gratuits et en libre-service.  Même si on est loin de la cueillette sauvage essentielle à la survie autrefois, cela reste un engagement social et écologique important et pour certains une manière de redonner du sens à nos habitudes de vie dans ce monde (réflexe de survie détourné ). Active dans des initiatives de Transition depuis quelques années, j’en fais totalement partie.

3. Tendance gastronomique et bien-être

Néanmoins, la vraie cueillette sauvage reste un loisir. Comme pour la cueillette des champignons, trouver des plantes comestibles, parfois rares, est un vrai bonheur.

Certains chefs de restaurant se sont prêtés au jeu, et vantent les nombreux bienfaits de ces plantes oubliées dans nos plats.

En effet, tous les nutriments nécessaires à notre santé se retrouvent beaucoup plus présents dans les aliments sauvages que dans les cultures traditionnelles. Et c’est beaucoup plus économique, il suffit de savoir où chercher.

Que ce soit dans le fond de son jardin ou en promenade, une nouvelle tendance de cueillette de plantes sauvages se répand donc aujourd’hui à travers des livres et des formations pour devenir le parfait néo-ramasseur-cueilleur.

Les points communs avec les multis

1. En mouvement

La première connexion qui saute aux yeux est celle de rester en mouvement. Les chasseurs-cueilleurs passent d’un endroit à un autre, en fonction de ce qu’ils y trouvent d’intéressant pour leur survie.

En tant que multi-passionnés, nous sommes souvent des nomades professionnels, qui passent de job en job, de projet en projet, d’activité en activité. Si nous réussissons à trouver notre équilibre de cette façon, c’est le jackpot. Mais ce n’est pas une chose facile à construire, dans un monde où la norme est encore l’enracinement quelque part pour la vie.

Ce besoin de mouvement peut alors se traduire de multiples façons : un travail de mission en mission pour différents clients ou en combinant des activités totalement différentes.

2. La découverte

Si nous ressentons ce besoin de passer d’un univers à un autre, ce n’est pas pour nous nourrir au sens premier du terme comme au temps des chasseurs-cueilleurs. Cependant, cela nous nourrit d’expériences, de découvertes et il semble que pour beaucoup d’entre nous, c’est aussi une question de survie.

Avides d’aventure et de nouveauté, nous nous laissons guider par nos passions.

3. La flexibilité

Le chasseur-cueilleur doit pouvoir se déplacer facilement. Il ne stocke presque rien et ne possède pas grand-chose. Il fait avec ce qu’il a sous la main à l’endroit où le mène la vie.   

Cela rejoint une certaine souplesse d’adaptation qui est propre à la vie (professionnelle) des multi-passionnés. Nous évitons de trop lourds investissements qui nous fixent quelque part, privilégiant la possibilité de bifurquer si nécessaire.

4. Le rythme des saisons

Vivre au gré des saisons est plutôt évident et naturel pour les chasseurs-cueilleurs, tout comme pour les premières civilisations sédentaires d’ailleurs.

La différence réside de nouveau dans la capacité de rebondir des chasseurs-cueilleurs. Ils n’avaient pas d’attente particulière par rapport à un travail de la terre programmé au long des saisons. Si celles-ci n’en faisaient qu’à leur tête, ils se déplaçaient vers des cieux plus propices.

Comme pour le travail saisonnier, nos projets peuvent être rythmés par des hauts et des bas, avec des périodes de crise et d’incertitude. En bons passionnés que nous sommes, nous ne tenterons pas absolument de coller à notre objectif fixé. Nous l’adapterons à la sauce du moment pour bifurquer et continuer à avancer.

Vivre au gré des saisons est redevenu aussi naturel et évident pour moi aujourd’hui. Manger toute l’année la même chose, dormir le même nombre d’heures ou me balader en t-shirt dans ma maison en hiver n’aurait pas beaucoup de sens.

J’aime ces changements et adaptations qui rythment mon temps.

Chaque saison a ses petits malheurs et ses grands bonheurs.

Je les accueille chaque année avec enthousiasme.

5. Méta-programme Option

Avec l’agriculture, la cueillette se transforme en travail raisonné et systématique: la récolte. Or les multi-passionnés sont plutôt de type “Option” en ce qui concerne les méta-programmes. A la différence des types “Procédure”, leur fonctionnement naturel est de passer d’un point à l’autre sans structure linéaire. Ils ont les idées qui partent dans tous les sens et ont plus de difficultés pour suivre des plans programmés pas à pas.

La cueillette sauvage non programmée leur convient donc très bien.

J’explique ce que sont les méta-programmes dans l’article: “Les métaprogrammes appliqués à la situation de pandémie et de confinement de ce mois de mars 2020

6. Le minimalisme

J’ai déjà parlé de la flexibilité des multi-passionnés qui peuvent s’adapter plus facilement aux différentes situations, par leurs nombreux intérêts et leur passion pour la découverte. Cela rejoint une certaine notion de minimalisme. Moins d’investissements, mais aussi moins de besoins matériels, moins d’attaches qui nous fixeraient à un endroit précis.

Beaucoup sont attirés par un mode de vie et de travail plus simple, basé sur l’essentiel et ce que l’on a en main.

La richesse ne s’appuie alors pas sur des possessions matérielles, mais sur des expériences vécues, des acquis et des capacités à atteindre nos objectifs, d’étape en étape.

Tout comme les chasseurs-cueilleurs qui basaient leurs survies sur leur capacité à trouver les ressources, dans ce que leur offrait la nature, à portée de main.

Ils misaient aussi sur leur capacité à se défendre face aux dangers ou à éviter les ennuis en se déplaçant. (mentalement, cela correspond à un nouveau point de vue)

Pas étonnant si aujourd’hui, nous nous sentons parfois un peu en décalage dans un monde où le pouvoir (et donc la survie!) est basé sur des possessions matérielles.

7. Indépendance, mais en collectivité

Dû à leur mode de vie flexible, les chasseurs-cueilleurs restent suffisamment autonomes les uns des autres. Ils ne connaissent pas de système hiérarchique, mais peuvent se rassembler en structures sociales égalitaires (excepté l’égalité entre hommes et femmes – ça aurait été trop beau ).

Les multi-passionnés sont souvent amenés à repenser d’autres manières de fonctionner en collectivité. Le travail indépendant ou en coopérative avec une gouvernance à l’horizontale peut être un bon moyen pour eux de collaborer.

Des inadaptés qui s’adaptent

Alors, sommes-nous des âmes de chasseurs-cueilleurs qui évoluent dans un monde qui nous est inadapté?   

Avons-nous acquis des compétences fortes d’adaptation à force d’être décalé(e)s?

Au final, c’est peut-être la meilleure preuve de résilience, savoir s’adapter pour tirer profit de la situation dans laquelle nous évoluons, alors que nous nous sentons différents de ce qui s’est imposé comme norme.

Quoiqu’il en soit, j’aime cette idée de connexion à nos origines. J’aime ce rapport à la nature. Cela me ramène à mon fil rouge, qui est de fonctionner au plus naturel, concret et simple, dans tout ce que j’entreprends.

Je me vois bien en chasseur-cueilleur aventurier et sauvage, tirant mes sources d’énergie de mon environnement immédiat, de façon spontanée.

Me fixer pour gagner en confort et sécurité ne m’intéresse pas vraiment, surtout si j’y perds mon indépendance, mes possibilités d’apprendre et de découvrir sans cesse.

 

credit photo :
Milan Seitler sur Unsplash
Ksenia Makagonova on Unsplash


Sources:
Historique de la chasse et de la cueillette sur le site Universalis
Histoire du cueilleur sur le site Alimentarium
Site des Incroyables Comestibles
Article de l’Echo sur la nouvelle tendance des ramasseurs-cueilleurs
Article pour apprendre à devenir cueilleur de plantes sauvages sur le site Permaculture Design
Article sur les réflexes neurologiques des chasseurs-cueilleurs sur Medium

Laissez un commentaire





Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Faire défiler vers le haut